Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/84

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contemplant mes cheveux blancs, mes rides creusées, mes yeux éteints : « Comme vous aviez raison, Éliante ! » Car le grand bonheur des femmes, c’est d’avoir raison un jour, une heure, une seconde après avoir eu tort toute leur vie… en apparence.

Je vous aime beaucoup, Monsieur et cher Léon, parce que j’ai résolu de vous aimer. Vous connaissez mon existence. Je suis une recluse libre, une sorte de religieuse émancipée, une prêtresse laïque, et je ne veux rien changer à ma vie, même pour vous faire plaisir. Je ne veux que vous convertir à ma religion, qui est l’unique. Vous ne seriez pas venu que je n’aurais pas eu l’idée d’aller vous chercher, mais j’ai compris, en vous voyant traverser ma route comme un pauvre gibier poursuivi, que vous m’étiez destiné. Alors j’ose m’emparer de vous. Je vous appelle mon amant, et je n’ai nulle envie de vous retirer les preuves de ce don entier de ma personne, parce que je veux que vous sachiez, une fois pour toutes, que je n’entends pas la passion ordinaire. Les autres femmes ont grand’peur d’avouer le don de leur personne. et c’est bien juste, puisqu’elles avouent un état d’impuissance à concevoir l’amour. Quand je deviendrai votre maîtresse dans le sens physique du mot, je me cacherai, je me