Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/97

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Éliante portait une longue robe de chambre de velours ivoire, ornée de dentelles rousses, elle avait sa coiffure de bal, son bonnet de cheveux unis tordus en casque bas, cime d’une grosse épingle de corail curieusement travaillée. C’était plutôt une fleur qu’un bijou, une fleur rouge d’aspect dur, et des perles d’or s’égrenaient dans sa corolle, en gouttes de soleil. Peu fardé, le teint d’Éliante paraissait plus blanc des reflets de vieil ivoire qu’elle charriait autour d’elle, et son buste impeccable s’accusait, sans un pli, sous le velours du corsage drapé sans une coulure.

— Je crois qu’un enfant nous est né cette nuit, n’est-ce-pas, dit-elle, en riant d’un rire tranquille, car ni l’un ni l’autre nous n’avons la mine de gens qui ont fait le réveillon.

— Vous vous trompez, Madame, riposta Léon, de son même ton cérémonieux. Je sors au contraire d’une noce prolongée, ce qui m’a permis de me trouver dans la rue à cette heure et du côté de chez vous. De quel enfant est-il question ?

Elle referma la porte, laissa tomber les soieries vertes qui tamisaient un si tendre jour couleur d’eau de source.

Léon jeta son chapeau et son pardessus sur une chaise, avec un geste de rage.