Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/123

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portait encore la trace des blessures graves reçues en défendant la lanterne de là-haut contre les fureurs du vent. Il ne rechignait pas devant les corvées. Il buvait peu, ne dormait presque plus, ne demandait jamais de congé. Un vieux maniaque, mais un luron tout de même.

Pourtant, le cœur me levait de l’entendre m’expliquer ces histoires-là, de sa voix de vieille sourde en enfance ; il parlait, à présent, jacassait comme une pie :

— Les ceintures ? Oh !… ils en ont tous des ceintures, ça leur sert à mieux se sentir crever ! Quand on coule à pic, c’est fini tout de suite. Avec leurs garces de ceintures, ils espèrent, ils gueulent, ils se démènent… jamais ça ne les sauve. J’en ai vu un passer vers la pointe qui remuait encore, un jour d’il y a trois ans. Il a tellement remué qu’il a chu la tête en bas durant que ses jambes se raidissaient en l’air. Les noyés, c’est si bête ! Quand y s’arrêtent le long de la Baleine, ils verdissent là, au soleil, jusqu’à la prochaine