Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/66

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pouvait demeurer là, très inconnu et très inutile, avec le dernier bagage du pittoresque. Derrière lui, la forêt mystérieuse gardait encore des sites charmants qui ne produisaient pas de fleurs doubles, ou de légumes à cornes, et il aurait la récolte des simples, simple lui-même.

Il tâchait de se rappeler le nom de cette forêt. Mais, lacune bizarre, il ne se rappelait pas de nom de forêt, ne retrouvait au fond de sa mémoire endolorie qu’un titre de boulevard : les Filles du Calvaire. Cela ne se rapportait nullement à sa question mentale. Il dormit un moment, abruti par les miasmes fluant du sol, et il fut réveillé dans un roulement de coups sourds. Il regarda, effaré, autour de lui. Les ouvriers, espacés dans le champ, n’étaient plus que des ombres chinoises se baissant, se relevant en gestes énigmatiques, leurs grandes bottes, leurs crocs de fer et leurs chapeaux de paille leur donnant un aspect à la fois conquérant et pacifique. Les coups sourds se précipitaient en grondement sinistre. Un orage ? Non. S’il faisait une lourde tiédeur d’étuve en bas, en haut, on n’apercevait ni lueur, ni nuage, tout était gris sans déchirure. Les grondements venaient de la terre comme la pluie. Dans cet endroit du monde