Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/273

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Elle venait de crier, malgré elle, son nom, car elle ne se souvenait que trop.

— Ma chérie ! Mais c’est vous qui êtes effrayante ! (Il glissa vivement à ses pieds, lui serra les genoux, et la regarda, un moment silencieux :) Et pourquoi ne te ferais-je pas la cour, Marianeau ?… Oui, tu es très belle et tu me plais infiniment, mais ce que j’aime le plus en toi, c’est que tu es d’une race égale à la mienne en force, quoique bien différente… J’aime ta peau qui a la douceur de la fleur et ton sang qui coule dessous en lui donnant le reflet de l’aurore. J’aime tes yeux qui sont ouverts larges à toute lumière, d’une indéfinie couleur comme celle de la mer changeante. Sont-ils gris, sont-ils bleus, sont-ils verts ? Ou, sont-ils simplement, tes yeux, le plus beau regard du monde ? Tiens ! Je suis si doux et si heureux, ce soir, que je resterais enchanté, enchaîné à tes pieds toute la nuit ! Nous sommes seuls dans l’immensité, Marie. C’est l’heure unique, celle qui ne revient jamais, et nous avons le droit, tous les droits d’en profiter. Marie, je veux que tu m’aimes encore, moi. Je veux te reconquérir… Abandonnons un peu la terre et notre époque. On a tout détruit et tout tué, oui. Il ne reste plus que nous, rois d’un