Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

je dans les sentiers des bois, mes yeux a jamais crevés par la lumière méchante de tes yeux ? Basine, aimes-tu les fleurs, aimes-tu le miel ? Veux-tu des ramiers pour égayer ta cellule ? Il y a des fraises écarlates près des sources ? Quelle chose pourrai-je t’offrir, moi, le misérable chasseur que tu dédaignes ? J’ai désiré tant d’années cette heure de joie et déjà elle passe ne me laissant que le goût du sel dans la bouche. N’auras-tu pas compassion de moi ? L’église enseigne la charité, Basine.

— Es-tu fils de roi ? railla la jeune fille.

— Était-il fils de roi, le soldat qui t’a prise ? s’exclama brutalement Harog, en bondissant sur elle.

Elle soutint son regard fulgurant, les yeux calmes. Ils s’aperçut cependant, à la lumière de l’aube naissante, qu’elle devenait rose, de la couleur des angelots d’images et qu’elle déchirait son parchemin à grands efforts de ses ongles.

— J’ai subi la loi du vainqueur. Je tâcherai de vaincre à mon tour, répliqua-t-elle fièrement. Tu es un mauvais chrétien, Harog. Le goût du péché souille ta langue.

— Et si je te traitais comme t’a traitée le soldat, toi, la pécheresse ? Es-tu vierge pour me parler de la sorte ?

Elle se remit à rire, d’un ton singulier.