Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/109

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Il courut au mur de la terrasse, s’enleva jusqu’au faîte d’un rapide élan de fauve traqué. Il tenait entre ses dents ce lien d’or qui le rattachait encore à elle. Il ne voulait pas perdre ce gage de leur nouvelle alliance, mais il ne deviendrait son complice que pour profiter plus sûrement du bénéfice de sa folie. Sacrilège, elle pleurerait comme lui tout le sang de son cœur et alors…

Alors, il pensa que le mur était haut.

— Je vais tomber, se dit-il, frissonnant au vent du matin. Si je tombe, l’abbesse Leubovère croira qu’une de ses nonnes a manqué d’honneur… Basine sera murée vivante dans les remparts. L’air de ses jardins m’a empoisonné. J’ai dû marcher sur le serpent ! Mes pieds sont lourds et ma tête tourne. Je ne reviendrai pas ici où l’on jette des sortilèges.

Il se pencha une dernière fois du côté du cloître. Basine s’éloignait, elle s’évanouissait le long des arceaux en vapeur légère, fondait comme le brouillard traînant derrière la lune.

— Murée vive ! se répéta-t-il en cachant le galon doré sous sa tunique. Ah ! Sainte Radegunde, ayez pitié, vous qui connaissez mieux que moi l’âme de vos servantes ! Celle-là n’est-elle pas plus pure que la clarté du matin ? C’est moi qui suis en faute dans votre maison, notre dame, et qui mérite pénitence.