Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/127

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reçue et réintégrée dans le lieu d’où elle est sortie. Nous ajoutons que les évêques qui nous succéderont doivent tenir sans cesse les religieuses dans la crainte d’une semblable condamnation. Et si, ce que nous sommes loin de croire, nos successeurs voulaient se relâcher en quelque point de ce que contient notre présente délibération, qu’ils sachent qu’ils auront à compter avec nous devant le juge éternel ; car la condition du salut est que celui qui est promis au Christ soit inviolablement observé. Pour donner plus de force au présent décret, nous avons cru devoir le munir d’une suscription tracée de notre propre main, afin qu’il soit, sous la protection du Christ, à jamais maintenu par nous.

Quand l’abbesse Leubovère eut terminé sa lecture, d’un accent tout vibrant d’indignation, elle s’aperçut que ni Basine ni Chrodielde ne s’étaient mises à genoux. Elles restaient droites devant elle, inflexibles comme deux hampes de lance dressées là par l’ennemi des hommes dont parlait le manuscrit. Les autres nonnes somnolaient ou ricanaient.

Leubovère s’essuya le front avec sa large manche. Sa sueur coulait pour la plus grande gloire de l’Église, mais elle avait d’autant plus peiné sur ce parchemin qu’elle en comprenait moins certains termes.

Le manuscrit se roula de lui-même, dès qu’elle en eut enlevé sa paume et revint lui souffleter la joue.