Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/14

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fouiller, ramenant ses doigts gluants d’une bouillie bonne à jeter aux chiens.

— Il faut passer avant l’heure froide, conclut Harog.

Ragnacaire gronda :

— Og ! Il n’y a plus de porc. Dieu nous protège !

— Il est juste de passer à la nage puisque nous avons le ventre creux. Le chef aura fait fumer des viandes pour les hommes qui viennent de si loin, Ragna. Ne t’égare pas l’esprit en cherchant le gué.

Un air frais leur piquait la figure. Derrière eux les bois, moutonnant ainsi qu’un immense manteau de laine frisée, lâchaient leurs épaules, les abandonnant presque nus en présence de l’eau toujours ennemie.

Ragnacaire, brute superstitieuse, redoutait les rivières ondulantes. Harog ne craignait pas l’eau, le jour.

Le berger cueillit à tâtons une branchette qu’il trouva flexible sous sa main, probablement une tige de menthe, l’arrondit en couronne, puis, s’avançant du côté où le courant paraissait le moins rapide, il lança, d’un geste prompt, cette offrande au hasard, laquelle tourbillonna, s’abîma dans les ténèbres.

Harog faisait souvent des choses qu’il n’expliquait pas.