Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/151

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l’hommage de la nature, le dernier et le premier de tous les hommages… Et ils riaient entre eux d’apercevoir, à leur hauteur de jeunes dieux cyniques, ces femmes plongées en de mornes méditations, ces deux créatures que la pesanteur des années ou des malheurs avait faites pareillement insensibles, comme eux de marbre, mais point, hélas ! d’un marbre aussi beau !

Quand les deux femmes eurent achevé leur prière, elles continuèrent sans hésiter davantage leur chemin, se hâtant de s’éloigner d’un lieu suspect. Mieux valait ne point approfondir l’idée d’un miracle en faveur des idoles, les voies de la Providence allant, très souvent, au rebours de la logique humaine. D’ailleurs, si le monastère devenait la proie des puissances démoniaques, la révolte des nonnes s’en expliquerait plus aisément vis-à-vis de leur supérieur spirituel.

Au bout de la galerie souterraine finissait l’épaisseur des remparts ; l’abbesse y trouva une herse de fer que Soriel put dresser de ses fortes mains. Elles entrèrent enfin dans le domaine de Radegunde, un merveilleux jardin abandonné, tout encombré de végétations sauvages, qui entourait un ancien palais bâti à la façon romaine, c’est-à-dire en murs pleins dissimulant des terrasses.