Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/152

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L’abbesse, soufflant un peu, arrangea les plis de son manteau pour paraître dignement devant son évêque. D’un pas plus majestueux, elle traversa successivement une cour dallée de granit gris et une terrasse en mosaïque représentant des poissons nageant avec des amours sur leur dos. Puis elle descendit un large escalier aux marches lisses, juste en face des galeries du cloître Saint-Hilaire.

Des moines se promenaient sous leur portique de bois, devisant et priant. De loin, ils saluèrent l’abbesse en mettant leurs index joints sur leur poitrine tout en baissant humblement le front.

— Va m’annoncer à notre seigneur Marovée, dit Leubovère à sa suivante, qui retirait des brindilles sèches du bord de son manteau.

Selon une mode religieuse d’alors, l’abbesse, son capuce sur ses yeux, rejetait son voile en arrière. Elle portait une guimpe de toile montant aux oreilles : sa robe de laine bleue tombait en plis droits pour s’écarter devant, laissant voir une jupe blanche brodée de grosses croix, fleuronnée du bout. Une autre croix d’or lui pendait du col jusqu’à la ceinture, très lourde chose qui la gênait et qu’elle prenait en mains quand elle essayait d’aller vite. Elle aurait bien préféré s’aider d’un bâton,