Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/16

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épave, n’osant pas ouvrir la bouche pour gronder. Harog, plus léger qu’eux tous, demeurait allongé, les bras passés au col de la chienne, maintenant l’équilibre des deux radeaux vivants.

Le hasard, qui avait déjà rendu l’offrande, désirait peut-être s’approprier les hommes.

Alors Harog chantonna sa chanson de serpent, et l’attelage reprit la traversée d’un vigoureux effort, poussant devant lui la branche de menthe dont l’odeur excitait les bêtes.

Sur l’autre rive, les hommes se secouèrent, les chiens bondirent, la corde se déroula et on se jeta, tête baissée, dans une route meilleure bien que plus sombre.

La résidence du grand chef neustrien se trouvait momentanément au milieu de la forêt de Chelles[1]. C’était une épaisse construction de bois, comme écrasée par la hauteur des arbres environnants, une maison trapue et forte de ses piliers nombreux soutenant une galerie ornée de grossières sculptures qui représentaient des fronts de bœufs aux cornes menaçantes. Des rideaux de cuir fermaient le devant de cette galerie et lui donnaient

  1. Le roi se rendit à Chelles, villa du territoire de Paris. — Grégoire de Tours, Histoire ecclésiastique des Francs (trad. Henri Bordier), livre V, ch. xi.