Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/169

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Du reste, il importe peu que l’objet d’un culte soit faux si la prière qu’il inspire est sincère. Mais ce n’est pas une raison pour que je vous laisse demander grâce à ce morceau de bois mort, plus sourd que tous les arbres vivants de nos forêts ! Vous voici instruite. Mon secret sera le vôtre. Taisons-nous sans espérer de miracle. Il convient de se défendre autrement. N’avez-vous pas crié, doutant de la vertu des reliques : « J’abandonnerais ma maison ?… »

L’abbesse regardait son évêque avec une stupeur dévote qui la transfigurait. Elle essayait, vainement, de l’écouter, n’entendait guère mieux que le morceau de bois mort. Était-ce possible ? Ce moine fiévreux n’était-il pas un possédé suscité par Satan contre la vraie Croix ? Leubovère avait tellement l’habitude de prier devant la châsse de son église qu’un immense dégoût lui serrait la gorge.

— Seigneur Marovée ! Sainte Radegunde !… Ah ! Tous les démons se déchaînent !… Que vais-je devenir ! bégaya-t-elle, en se signant plusieurs fois.

— Réfléchissez, ma bonne sœur, murmura l’évêque apitoyé. Il est certain que le temps des épreuves nous arrive.

— Et vous, mon seigneur, n’avez-vous pas dit, avant de me narrer cette histoire si affligeante, que