Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/200

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maux savaient seuls distinguer les bonnes herbes du poison. Que leur voulait-on ? Qu’allaient-ils devenir ? Et quelques-uns serraient contre leur flanc une arme cachée, un couteau dont le manche poissait encore…

Harog se tenait debout, les épaules appuyées contre le plus gros des sapins ; petit garçon aux pieds d’un géant, il semblait tout maigre, si pâle de visage que ses yeux sombres lui faisaient deux trous par où descendait toute la noirceur de la forêt sur les bandits. Ragna aiguisait le tranchant de sa hache et Méréra, la chienne blanche, assise gravement, levait vers son maître ses prunelles fulgurantes d’adoration. Au loin, cerclant de leur fidèle vigilance ceux qu’ils devaient prévenir en cas d’alerte, les six chiens allaient et venaient, humant le vent.

— Hommes qui m’entendez, dit Harog, s’adressant à cette troupe muette où l’on devinait des angoisses, je vous ai fait venir parce que la lune est pleine et que vous verrez cette nuit des choses qui vous feront libres. Je ne suis ni plus puissant ni meilleur que vous, mais je veux vous donner un peu de joie. Les temps ont été mauvais pour tous à cause des pluies de grêle. Il en est ici qui ont faim et soif. D’autres qui ne peuvent guérir leurs plaies.