Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/21

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velures flottantes, se disputaient en bousculant des pots vides du bout de leurs lances bleuâtres. On voulait empêcher le grand soldat, déjà très ivre, de boire, et on criait beaucoup. Tous les pots de terre, de fer, pleins ou vides, roulèrent tandis qu’un nouveau flot de sang coulait des torches. Les flammes, activées par le vent plus violent, montèrent jusqu’au ciel et l’éclairèrent. Là haut les nuages galopaient, se dispersaient, passant sur le ventre de la lune toute pâle, une lune triste qui faisait mal.

Ragnacaire, étendu, ronflait sans se douter qu’on jouait et buvait près de lui.

Harog dormait, ou croyait dormir, mais un cri plus aigu que celui de la chienne le mit debout tout à fait.

Non, il ne dormait pas, il voyait bien, lui, ce qu’il croyait voir à travers les fentes de cette porte. Il alla se coller contre le bois, les ongles crispés, cherchant à élargir ces fentes, et, seuls, ses yeux s’ouvrirent plus démesurément.

Parmi les soldats, riant, se disputant, il y avait une femme toute nue ; elle se tenait droite à côté de l’homme qui chevauchait le billot, ses mains étaient liées derrière elle et on aurait dit une statue sans bras. Toute nue, très jeune, très blanche, si