Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/22

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blanche que la lumière pâle de la lune semblait ne luire que sur elle, cette femme agitait frénétiquement la tête, s’efforçant de dénouer la tresse de ses cheveux qui pendaient, entre ses deux petits seins ronds, comme une grosse vipère jaune séparant deux fruits.

Le cri venait bien d’elle, sortait de sa bouche encore frémissante et telle une blessure fraîche, un trou dans sa face que le fer d’une lance avait entamée pour en faire jaillir la vie.

Le grand soldat barbu l’assit sur l’une de ses cuisses et lui offrit à boire. Elle repoussa le pot mousseux de ses dents, de son menton, cracha furieusement. Alors le soldat lui donna un soufflet. Elle ne pleurait pas. De ses yeux effrayants, parce qu’ils étaient verts, s’échappait un feu point naturel.

— Quelle servante de la maison du chef peut posséder ce corps de lis ? songeait le berger Harog, immobile d’admiration.

Il lui apparut, nettement, que jamais il n’avait contemplé aucune autre femme malgré qu’il eût déjà vingt-trois fois passé de la farouche méchanceté de l’hiver à l’amollissante douceur du printemps. Ce devait être un rêve. Dehors, le vent faisait toujours s’éparpiller les nuées, les déchirant avec des