Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/210

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tante qui s’éclairait de reflets argentés sous la lune ou étincelait subitement d’un feu roux. Un grand souffle composé de l’haleine précipitée des poltrons et du renâclement des chevaux entoura Harog de sa muette supplication. Le moutonnement des arbres au vent pur de la nuit rendait plus grave l’immobilité de la Pierre aïeule, suprême juge des enfants se traînant jusqu’à elle, égarés par l’irrésistible besoin de croire aux forces cachées. Les chiens hurlèrent.

Ragna leva son bouclier et chanta d’une voix creuse :

Nous sommes les fils de la terre !
Nous aimons le blé,
Nous aimons le vin,
Nous sommes les fils de la terre !

L’Aveugle-né bégaya, très effrayé :

— Il ne faut pas déranger le dieu des campagnes pour nous. Si les prêtres de la ville nous entendaient ils nous interdiraient la communion.

Harog éclata d’un rire bizarre, moitié sifflement, moitié chanson, et il reprit d’une voix plus sonore que celle de Ragna :

Nous sommes les fils de la terre
Nous aimons le blé,
Nous aimons le vin,
Nous sommes les fils de la terre !