Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/212

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Mère, nous voici, nous frappons !
Ouvre pour le blé,
Ouvre pour le vin…

Des moitiés de porcs fumés, des venaisons sèches roulèrent avec des pains, des galettes. Des outres s’aplatirent au milieu de la mousse durant que Ragna tendait des gobelets aux mendiants. Les chiens bondirent…

Depuis longtemps les deux bergers chasseurs amoncelaient les provisions de ce repas enchanté. Ils voulaient donner l’heure de joie complète et magnifique. Ragna dérobait les porcs qu’il n’était plus chargé de garder aux environs du monastère. Il savait la recette des bonnes venaisons que l’on fumait à des feux de genièvre. Harog pour les galettes et le vin avait eu le courage adroit de vendre l’un des chevaux neustriens, cette jument blanche dont il fallait absolument se défaire parce qu’elle semait la division parmi les mâles.

Et la pluie de victuailles continuait, affolant les vagabonds. Tous vautrés avec les chiens sur la mousse, ils dépeçaient, coupaient, tordaient, avalaient. Les uns saisissaient le pain, les autres la viande, puis se regardaient, les yeux hors de la tête. Un garçon estropié, presque nu, mordait à lui seul dans un cochon de lait rôti, pièce délicate dont