Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/220

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— Je demeure soumise aux volontés de mon évêque, le Seigneur Marovée, qui m’a enjoint de garder ma maison.

— Je suis envoyé par un prince pour te saluer de sa part. Une sainte abbesse n’a rien à craindre de ma framée. Rassure-toi.

— Quel prince ? murmura Leubovère, dont l’accent balbutiait comme celui d’un enfant de chèvre. Est-ce du roi Guntchramm ou du roi Childebert ? Je ne relève que de Dieu et mon âme ne songe point aux cruautés des hommes tant que Marovée me protège. Je reste ici selon mon droit, qui est le droit divin.

Ragna regardait, au travers de ses mèches rousses, cette infirme toute tremblante prononçant des paroles de dignité. Il s’agissait de gagner du temps, car il ne comprenait rien à son langage ni à sa posture de femme effrayée qui s’attend aux pires événements. La sainte abbesse avait peur et elle ne semblait pas protégée. Pourquoi les portes de clôture étaient-elles restées ouvertes ? Pourquoi ne rencontrait-on que des nonnes chevrotantes, les jeunes, en une saison, avaient-elles vieilli si vite ? Et pourquoi le chemin de ronde, où l’on voyait flotter des voiles de lin au printemps, s’encombrait-il tellement de ronciers et d’avoines folles ? Le jardin paraissait