Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/23

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clameurs, secouant les tentes du camp et les rideaux de la galerie, enroulant les fumées écarlates des torches aux chevelures flottantes des gens d’armes, les montrant plus ivres et plus sinistres, leurs joues suant du vin. Ils se renvoyaient, maintenant, la fille nue de l’un à l’autre, l’un l’embrassant goulûment, l’autre la frappant au visage. Chose étrange, elle restait droite en dépit de ses bras liés derrière sa taille, et, levant le front du côté de la maison obscure, elle regardait de tous ses yeux désespérément fulgurants, n’essayant plus de dénouer ses cheveux pour s’en envelopper, attendant un secours ou peut-être l’ordre du bourreau qui allait finir son supplice. Harog suivit la direction de ce regard, fasciné lui aussi par une horreur dont il ne se rendait pas compte. Il ne craignait pas les soldats, mais il redoutait d’apercevoir ce que voyait la fille. La nuit régnait au delà du cercle des torches. Et la galerie, en face de l’étable, demeurait close, hermétiquement fermée par ses rideaux de cuir… sauf peut-être un point où luisait un rayon de lune sur un objet blanc…

Oui, c’était bien cela que la fille regardait.

Harog possédait des yeux habitués aux ténèbres.

Il essaya de démêler ce qu’il y avait dans ce rayon