Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/222

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chose : contempler de loin ta brebis préférée, afin que je témoigne de sa bonne mine.

Leubovère laissa échapper un mouvement de colère.

— As-tu voulu nommer ma louve rugissante ! s’écria-t-elle, toute vibrante d’indignation. Puis elle reprit à voix basse :

— Celle que Chilpéric a mise au monde, n’est-ce pas ! Va donc dire à ton maître que l’abbesse Leubovère n’a plus qualité pour garder les bêtes échauffées de mâle rage.

Et elle frappa de sa béquille les dalles du cloître qui rendirent un son lugubre. Ahuri, l’envoyé d’Harog comprenait de moins en moins.

— Si vraiment tu es un soldat de Chilpéric, murmura l’abbesse, je veux bien t’annoncer l’effroyable nouvelle…

— Elle est morte ! s’écria Ragnacaire terrifié, en songeant au désespoir d’Harog.

— Plût à Dieu, déclara Leubovère… mais entrons dans la chapelle, car je ne me soucie pas de me confier à cette emmurée qui nous écoute là bas.

Elle entraîna Ragnacaire, lui serrant le bras fortement.

Dans cette obscurité religieuse, le messager d’Harog eut un regret de détresse. De quoi serait-il juge