Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/228

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tes mauvaises intentions, gémit Leubovère. Serais-tu un soldat pillard ? Tâche de te souvenir, toi, que mes greniers et mes caves sont vides. Quel que puisse être le maître qui t’envoie, dis-lui que l’abbesse du couvent de Radegunde n’a même pas pu t’offrir un gobelet de vin, car Soriel, ma servante, n’en découvrirait pas une goutte à ton usage. Nous traversons de dures épreuves !…

Ragna descendit deux marches. Une sueur froide lui mouillait les tempes. Il avait beau être un homme, un sauvage que son amitié pour Harog damnerait, il n’en redoutait pas moins les maléfices d’une vieille abbesse.

— D’un coup de ma framée, j’en ferai mille morceaux ! grondait-il intérieurement, et il allongeait le pas sans vouloir regarder derrière lui. Il allait sans trop choisir son chemin. Quand il fut au milieu du verger plein de tombes, il s’orienta, leva sa framée pour abattre puérilement une branche de rosier.

— Je suis dans le jardin des morts. Par où passerai-je ! Il n’y a plus que des murailles.

L’abbesse avait refermé la porte de son oratoire, ne se souciant pas de s’exposer aux brutalités de cet irritable étranger. Aucune esclave ne paraissait… c’était la solitude dans un cimetière.