Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/25

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gens d’armes, tous ivres, sautant de joie, trébuchant, culbutant les billots de chêne, les pots de fer, pleins ou vides, il y avait un couple renversé, un couple étalant la dernière nudité de l’amour : le grand soldat barbu dessus, la fille blanche dessous, et celle-ci ne criait plus, car elle avait les dents profondément enfoncées dans le cou de ce taureau qui gémissait tout autant de douleur que de plaisir.

Harog serra la lame collée à sa poitrine par un brin de chanvre et se demanda s’il ne fallait pas se précipiter, lui tout seul, jeune berger, contre l’armée entière du roi de Neustrie. Certes, les mauvais jours qu’on traversait étaient fertiles en pillages, sacs de villes et viols de filles, mais il trouvait le spectacle plus impie puisqu’on ne bataillait point, pour le moment, et que les édits de Chilpéric, s’ils prescrivaient de livrer une amphore de vin par arpent de terre, défendaient ; de maltraiter la vertu d’une esclave sans raison. Involontairement, ses yeux cherchèrent un ordre, là-haut, du côté de la maison obscure.

Comme à regret, la main, lâchant le rideau, s’évanouit… Ce fut la fuite discrète d’un petit animal très léger rentrant dans l’ombre.

Harog appela Ragnacaire d’une voix brève.

— La chienne ne se taira donc plus ? soupira