Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/361

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vaise vie, point dignes d’effleurer le bord de sa tunique.

— Harog, dit-elle plus affolée encore par la subite indifférence des yeux du jeune chef que par la mort du pauvre Ragna, est-ce que tu vas délivrer l’abbesse ?

Harog s’avançait vers les piliers du petit temple de granit rose.

Au fond de la piscine, dans une vase fétide, la vieille femme était accroupie, à quatre pattes, ainsi qu’un fabuleux et pitoyable crapaud. Elle barbotait, soufflant, suant, essayant vainement de se relever, clamant de temps en temps une invocation :

— Sainte Croix, vraie ou fausse, vous qui m’avez déjà sauvée, Sainte Croix bienheureuse, ayez compassion d’une pauvre infirme dont les douleurs vous sont offertes.

Elle retombait à plat, glissant des quatre membres, son ventre gonflé dans la vase tout pareil à une outre en passe de crever.

— Ma mère, fit Harog, dont l’accent impérieux mollissait de tendresse, je suis à toi. Tiens bon une fois encore et donne-moi tes bras que je te retire de ce cloaque impur où tes ennemis t’ont précipitée. Excuse-moi si je n’ai pu venir plus tôt.