Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Leubovère leva douloureusement la tête.

— Qui que tu sois, mon fils, je te remercie de ta persévérance. Je reconnais ta voix… tu es celui…

— Ma mère, interrompit Harog s’arc-boutant des genoux à la margelle de la vasque afin de supporter le poids gluant de la vieille infirme, ne me remercie pas avant de me mieux connaître.

Basine, stupéfaite, voyant ce monstre couvert de fange parvenir au grand soleil, eut un geste d’horreur, un cri de compassion.

— En vérité, songeait-elle, se reculant devant le fantôme boueux de l’Église qui se redressait, en vérité si Harog n’est pas fou, je suis en train d’assister à un miracle !

Elle n’était ni morte, ni même blessée, l’Église, et jamais, un matin de printemps, quelques jours avant Pâques, elle n’avait eu de plus puissantes objurgations, l’heure arrivée des confessions publiques !

Harog se prosternait le front sur les pieds nus de Leubovère qui hochait la tête doucement, éblouie de ces lueurs, de ces roses, du jardin de Radegunde où s’épanouissait l’œuvre de la Providence, une œuvre presque païenne.

— Bénissez-moi, ma mère, car j’ai beaucoup péché…