Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/53

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Peut-être pensait-elle à ces brutes, aux soldats de son père qui…

Harog, tourmenté par la fièvre, s’approcha du chariot.

— Basine, dit-il, tâchant d’adoucir son accent toujours un peu rauque, il faut te reposer. Tu ne dors pas ? Veux-tu que l’on change la paille du chariot pour une litière de genêts en fleurs qui te sera plus douce au corps ? Que pouvons-nous faire, nous, des hommes, pour t’aider à supporter ton malheur ?

— Rien ! je te remercie, berger, répondit-elle d’une voix lointaine.

Harog la contemplait si ardemment qu’elle finit par tressaillir.

Elle se mit à rire.

— Tu n’es donc pas aveugle la nuit, Harog, et tu oses ouvrir les yeux sur la fille du chef ! Prends garde ! Je le dirai à Ragnacaire, le muet, qui se mettra tout d’un coup à parler comme tu t’es mis à voir.

— Je ne croyais pas t’offenser, Basine, murmura-t-il, plus effrayé par le son de cette voix d’où l’âme était absente que par les singulières plaisanteries qu’elle proférait.