Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/67

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tendres aux baies de genièvre et aux anis que la nuit même on avait trempés dans de l’eau lustrale, puis enduits d’une gomme sucrée. Les précieux gâteaux, un peu collants aux doigts, s’accompagnaient de menues pièces de métal, médailles ou monnaies. Pleins d’une fièvre de ferveur, les pauvres : bergers infirmes, soldats errants, mendiants de toutes les classes, surtout des filles malades, à la prunelle chassieuse, exhibant des plaies horribles aux mamelles, entouraient leur pasteur, quelques-unes espérant toucher ses étoles fleuries de broderies multicolores. L’évêque, ce jour de liesse, s’offrait à tous comme une page arrachée du bel évangile ordinairement intraduisible pour les misérables. Il parlait un langage compréhensible, onctueux et il bénissait, bénissait d’un même geste rapide, ses manches blanches volant de l’un à l’autre avec le bruit d’une aile soyeuse. La foule répondait : « Joie et santé pour nos seigneurs saint Marovée, saint Hilaire et Dieu le fils ! Paix à notre Seigneur ! » Marovée n’était pas encore un saint, car, entendant un bruit étrange sur l’auvent du porche, un bruit de grincement d’ongles juste au-dessus de sa mitre, il fit un pas en arrière durant que ses jeunes clercs affolés se groupaient, leurs corbeilles offertes à l’envers et tous leurs gâteaux répandus. Véritable-