Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/87

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maison devait dormir dans la paix du Seigneur ou le mystère de ses malédictions. Les vieilles pierres dissimulaient un beau verger rempli de fleurs de pommiers, un champ de roses où les branches basses des arbustes plantés sur des trépassés s’enguirlandaient de jasmins. La mort s’y présentait toute jeune, toute luxuriante, sans autre souci que sa propre folie d’arriver si vite pour des vierges qui n’avaient jamais vécu. Les grandes voûtes du cloître s’ouvraient obscures, au fond du jardin, comme des bouches monstrueuses aspirant ensemble les arômes errants de la nuit et les âmes des filles prisonnières.

Un rossignol éleva la voix, modulant furieusement son appel d’amour. Harog, se glissant d’arbre en arbre pour gagner la galerie du cloître, imita son sifflement impérieux. Maintenant rassuré il éprouvait une joie de chasseur, à fouler le frais tapis de l’herbe. Il se trouvait sur la piste de son gibier sacré. Pourquoi tremblerait-il ? S’il chassait sur les terres de Dieu c’était pour sa plus grande gloire, puisqu’il se sentait prêt à offrir sa vie comme toutes ces vierges qu’on disait mortes trop tôt. Il n’hésiterait pas, malgré son désir de bonheur, sa soif de liberté, à rester là, immobile, enseveli dans les fleurs pour expier son crime et surtout pour qu’elle