Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/88

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vînt, un matin de messe, prier à l’intention du pauvre berger, l’absoudre. Son existence vagabonde lui faisait une conscience spéciale, moitié celle d’un croyant, moitié celle d’un païen. Il accomplissait presque un sacrilège pour pénétrer dans un couvent de saintes nonnes, mais il aurait volontiers mis son entreprise sous la protection de la bienheureuse patronne du monastère. Ah ! comme elle devait pleurer en l’attendant, la triste princesse, elle qui attendait depuis tant d’années d’étroites et rude reclusion ? Quelle pénitence pour cette créature de beauté, cette douce martyre des ambitions d’une effroyable marâtre ?

En arrivant sous la voûte de la galerie, un grand froid l’enveloppa, et il eut envie de reculer. Une femme le regardait venir du fond de l’ombre ; il s’arrêta, tourmentant le manche de son couteau. Derrière lui la clarté lunaire faisait fumer tout le jardin comme de l’encens bleu. Devant lui il entrevoyait confusément une forme blanche qui ressemblait à du brouillard, mais à un brouillard doré sous lequel aurait transparu l’astre lui-même, rond et blond, le front ceint du bandeau royal. Peut-être bien que toutes les lumières de la nuit sortaient de là. Et pourtant cette femme demeurait tellement voilée par la nuit ! Cette femme, c’était Hildes-