Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/90

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traître. Mon bonheur, je le garde, Basine, avec ta lettre.

Pourquoi doutait-elle de lui ?

Sous son vêtement de lin, elle était droite et mince, d’une raideur de cierge, l’air inquiétant d’un de ces anges-garçons que les prêtres peignaient sonnant de la trompette pour le jugement dernier dans leurs tableaux d’église. Elle n’avait pas la mine plus vraie que celle d’une figure de cire. Dépouillée de sa longue chevelure de princesse, elle se couronnait de boucles courtes et pressées. Un galon d’or coupait son front, dressant deux bourrelets des deux côtés de ses tempes semblables à deux oreilles touffues de lionne. Son col était nu, sortant plus blanc de l’échancrure de sa tunique blanche. Dans l’ampleur des manches flottantes, ses petits bras paraissaient toujours enfantins, un peu maigres. Elle gardait son maintien rigide, ne se voulant courber vers lui qu’à bon escient.

— Rends-moi ma lettre, Harog. Je suis fille de roi, tu le sais, toi qui ne lis rien des choses savantes. Tu sais trop de choses ! Je suis malheureuse ici. Je t’ai fait venir pour te dire tous mes tourments. Que peux-tu pour moi, toi qui m’as conduite jadis jusqu’à cette maison où l’on me refuse le respect dû à mon rang ?