Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/95

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— Qu’avait-elle fait, Basine ?

— Elle avait sauté le mur.

— Pour aller où ?

— Je ne sais pas.

— Qui est-elle ? Fille de chef ou mendiante ?

— Elle ne connaît pas ses parents.

— Son nom ?

— Elle n’a plus de nom.

Pendant qu’ils échangeaient ces paroles, on percevait plus distinct le petit grignotement du rat. Se rapprochant de la muraille, Harog saisit de vagues mots latins prononcés d’un égal clappement de langue ; sans accent et sans souffle, la recluse parlait comme dans une sorte de demi-sommeil. Depuis combien d’années durait ce supplice ? Pas de lumière, pas de chaleur l’hiver, pas de fraîcheur l’été. Aucun soin de ses compagnes, ni vêtements neufs ni remède à ses maux. Elle ne se plaignait point, ne pleurait point, priait du fond d’une nuit perpétuelle, attendant le pain quotidien qu’on lui glissait par la fente.

— Nous pouvons rester là, dit Basine s’asseyant sur un banc de mousse et s’adossant au mur, la recluse ne s’inquiétera pas de nous. Rien ne l’occupe que son salut. Petit berger, ne t’effraye pas de ce que tu verras au monastère de Radegunde. Il