Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/98

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temps courbant les branches des rosiers comme des bras arrondis jusqu’aux herbes folles.

Il captura son autre main, ploya la jeune fille vers lui.

— Et si Harog, le tueur de loups, emportait la brebis par-dessus les murailles ? Que dirais-tu, toi, si blanche ?

De longues années de solitude l’avaient préparé à cette heure de tendresse. Il ne désirait certes pas la brutaliser, mais il devait la prévenir, l’obtenir de son bon vouloir. Faite femme par la violence, il la ferait sa femme par la douceur, dût-il en mourir d’amoureuse impatience.

— Je dirais… que tu es un mauvais chrétien, Harog.

Comme un oiseau se fâcherait, elle eut un petit rire méchant.

— Écoute donc notre recluse, au lieu de faire luire tes yeux de loup, faux berger ! On dit qu’elle prophétise, les nuits de lune !

Telle une eau de source s’égouttant entre deux rocs, la voix de l’emmurée récitait des litanies. Elle coulait, monotone, pénétrante, inhumaine, et à chaque invocation elle semblait attendre une réponse, quelque chœur de chérubins invisibles battant des ailes pour l’approuver.