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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/98

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revint complètement brouillé avec les blanchisseuses de son premier pinceau et sa fortune grandit de toute la noblesse de ses ambitions. Il fit le contraire de ce qu’il aurait dû faire et le fit avec un certain talent. Il ne lui resta, de ses anciens goûts, pour la nature ou le naturalisme, qu’une pose à la hussarde dont il s’excuse auprès des dames, pendant qu’il cherche à persuader les hommes de la rigidité de sa conscience d’artiste. J’ai dû fréquenter quelques années son atelier, où j’ai pris l’horreur du principe arrêté en même temps que celle du modèle payant.

Chancère, le député communiste, qui a épousé la veuve d’un marchand de denrées coloniales, est en habit des plus corrects. Il a le teint bilieux, la parole coupante. S’il ne se promène pas le couteau entre les dents, c’est qu’il redoute de briser son râtelier. On le devine tellement ulcéré d’estomac et d’esprit qu’on n’ose guère le contredire, de peur de lui voir sortir de sa poche une petite guillotine pour se tailler les ongles. Il fait les discours les plus incohérents qu’on ait jamais entendus, au moins en France. Je le crois tout simplement embêté par une maladie bizarre, gagnée dans un laboratoire de toxicologie. Là il a emmagasiné des poisons lents qu’il distille dans ses extravagantes revendications sociales. Ça ne sent pas la poudre, mais la