Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/14

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bretonnes sont vêtues avec un scrupuleux respect de la couleur locale. — Une barrière placée en avant de l’estrade contient la foule empressée. Toutes les classes de la société se coudoient à ce pèlerinage pieux, que l’on ne saurait terminer sans déposer sur un plateau voisin une aumône pour les pauvres nouveau-nés, et sans embrasser une image peinte du bon Jésus, que les baisers de la multitude ont décolorée et rendue tout humide.

La veille de la grande solennité chrétienne, à la nuit close, un bruit inaccoutumé remplit les rues de nos petites villes, ordinairement silencieuses après l’Angélus du soir. Ce sont des mendiants qui, souvent réunis en associations pour la circonstance, les hommes besace au dos, les femmes encapuchonnées dans leur mante, s’en vont avec grand fracas de sabots sur le pavé chanter de porte en porte des complaintes ou des noëls français et bretons. Dans ces chants populaires, où l’assonance remplace la rime, où le récit chemine péniblement, tant les vers répétés et la longueur des refrains l’empêchent dans sa course, on chercherait en vain cette vigueur d’expressions, ce luxe d’images, cette mélancolie douloureuse et passionnée qui distinguent à un si haut degré le recueil que nous devons aux habiles et opiniâtres recherches de M. de La Villemarqué. Quelquefois néanmoins certaines strophes naïves et originales viennent récompenser celui qui, durant une soirée, a bien voulu prêter une oreille complaisante à un nombre infini de platitudes. — Nous voudrions bien, en dépit des lignes qui précèdent, donner au lecteur un spécimen de ces chants populaires ; mais nos souvenirs, que nous interrogeons à cet effet, nous servent assez mal.