Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/16

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Ces vers, deux fois répétés, mettaient naturellement notre imagination en émoi. Qu’allaient, en effet, devenir, devant le menu d’un festin céleste, les rochers de sucre candi, les nuages de crème à la vanille, les rivières d’ambroisie, et tout ce dénombrement de friandises qui nous avait tant charmé dans le Voyage à l’île des Plaisirs de Fénelon ? Mais la suite du couplet nous apportait un véritable mécompte :


Les anges étaient à table,

 Chantant le Gloria

  Ave Maria !

Ainsi finit ce noël, ou plutôt là s’est arrêté le barde chrétien. Pris sans doute de vertige lorsque les yeux de sa pensée se sont ouverts sur les splendeurs de l’Éternel, il ne s’est plus inquiété de nous dire pourquoi les anges étaient à table. — Si l’encens est la nourriture céleste ; si l’amour et l’harmonie sont les sources auxquelles s’abreuvent les séraphins, à quoi bon cette table ? serait-ce un symbole ? une allusion à la sainte table ? Décidément ce meuble serait-il en effet doué de quelque privilége sacré ? Nous faudra-t-il regretter un jour d’avoir irrévérencieusement parlé des tables tournantes et fatidiques ? — Tels qu’ils sont enfin, ces noëls émerveillent le naïf auditoire auquel ils s’adressent ; les enfants, heureux de saisir toutes les occasions d’exercer la charité, amassent durant le jour un trésor de gros sous, destiné à récompenser chez les chanteurs le zèle à défaut du talent ; et l’heure venue, ils obéissent sans y prendre garde au précepte divin : Pax hominibus bonæ voluntatis !