Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/29

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D’après la légende, saint Éloi, qui tint si glorieusement le poinson de l’orfèvre, mania dans le principe les lourdes croches du maréchal ferrant, et doit à ce premier état d’être honoré comme le patron des chevaux. C’est à ce titre que tous ses clients à quatre pieds viennent, le 23 juin, lui rendre hommage. — « Saint Éloi vous assiste ! » dit, en tirant son chapeau, tout vrai Breton qui voit bâiller son cheval. Bien que ce soit à peu près le seul souvenir qu’il paraisse donner au grand saint durant l’année, il regarderait presque comme un sacrilège d’employer ses bêtes à un travail utile le jour consacré au pèlerinage dont nous parlons. Seulement, d’après une croyance assez commune, les pèlerins se trouvant par une protection spéciale à l’abri des maléfices et des maladies jusqu’au coucher du soleil, certains valets de ferme ne se font pas faute d’expérimenter cette grâce d’état en se livrant à des courses effrénées et à d’autres violentes prouesses d’équitation, le tout à la plus grande gloire du saint.

L’heure de la messe était venue : les cloches, sous l’effort énergique des paysans qui s’étaient disputé l’honneur de les mettre en branle, faisaient vibrer la tour et s’élançaient éperdues comme pour suivre leurs sons. Nous descendîmes pour voir de près l’épisode que je vais essayer de retracer. — Chaque nouvel arrivant conduisait sa monture jusqu’à la statue de saint Éloi, et là lui levant le sabot d’une main, lui tirant la bride de l’autre, il la contraignait à faire une sorte de salut. Les plus habiles accomplissaient cette formalité sans mettre pied à terre ; et tous après avoir déposé dans le tronc quelques vieux sous, se dirigeaient vers l’église, dont ils faisaient trois fois le tour ; laissant