Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/30

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ensuite leurs chevaux sous la garde d’une personne connue, ils entraient dans le sanctuaire, récitaient, agenouillés sur les dalles, une oraison de circonstance, et venaient déposer au pied de l’autel un paquet de crin arraché partie à la queue, partie à la crinière de chacun de leurs chevaux. — Cette offrande, qui semble au premier abord assez insignifiante, produit pourtant après les deux jours consacrés au pèlerinage, des paquets de crin dont la vente rapporte année moyenne à l’église une somme de huit cents francs, qui, jointe aux dons pécuniaires, a parfois élevé au chiffre de quinze cents francs les recettes de saint Éloi.

Les types et les costumes des campagnards accourus de dix lieues à la ronde pour assister à cette messe propitiatoire ne manquaient pas non plus d’intérêt. — Les habitants des côtes, ceux de Kerlouan, ceux de Plouguerneau, ceux de Guisseny, montraient les uns à l’abri du capuchon, les autres sous le bonnet glas[1], un visage tour à tour brûlé par le soleil et rougi par l’âpre vent de la mer ; leur physionomie farouche, aussi bien que leur costume, offrait un contraste curieux avec l’expression placide des fermiers de Ploudaniel, de Saint-Tégonnec et des environs de Morlaix, vêtus encore de nos jours à peu près comme au temps de Louis XIV. Les montagnards de la Feuillée et des solitudes de l’Arès, pâles, soucieux, méditatifs comme des gens habitués à vivre isolés, portaient un habit noir ou chiné de couleurs sombres, que relève une simple ganse verte ; une ceinture de cuir fauve leur sanglait la taille ; une culotte de toile se tordait en spirale autour de leurs

  1. Sorte de calotte grecque en drap bleu.