Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/46

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II

L’harmonieux ensemble de chansons et de murmures qu’exhale en ce jour d’allégresse la campagne rajeunie ; ces clartés, cet air tiède, ces senteurs que concentre le vallon vous jettent bientôt, — et surtout après une marche forcée, — dans une sorte de langueur rêveuse ; des bruits confus la bercent d’abord, mais insensiblement ils s’éloignent, puis ils reviennent, grandissent, développent leurs ondes sonores, s’éloignent de nouveau ; les silences se succèdent, se prolongent..... ; et ma pensée qui se sent la bride sur le col, s’esquive sournoisement comme si je m’avisais de contrarier ses tendances à se soustraire aux divertissantes réalités de notre monde sublunaire ! — Qu’est-elle devenue ? Je ne le saurais dire, jusqu’au moment où je la retrouve, ardente à la poursuite d’une créature enchanteresse, qui, préposée sans doute au mystérieux travail du renouveau, semble avoir pour tâche d’égrener sur les buissons, les roses rouges qui couronnent ses bandeaux sombres. — Il serait superflu de t’énumérer ses prestiges ; sache seulement qu’une merveilleuse faculté de perception me la montre alternativement sous les aspects les plus complexes et les plus chers à mes souvenirs, tantôt avec la pâleur chaude et la brûlante hardiesse des beautés du Midi, tantôt avec l’angélique et pensive sérénité des vierges blondes du Nord, suivant le caprice des clartés ou des reflets ; son regard décoche des flèches ardentes, ou doulou-