Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/52

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nous revenions par le chemin, il fallait voir comme nous étions fiers de narguer les bandes rivales moins heureuses dans leur récolte, ou moins habiles que nous à faire valoir leurs trésors !

C’est aujourd’hui jeudi, les enfants que j’ai sous les yeux font à peu près comme nous avons fait, d’autres feront un jour comme eux, et cela durera tant qu’il y aura des primevères, des enfants et des jeudis.


IV

. . . . . Tu ris, tu ris bergère. — Ah ! bergère tu ris !


Ce refrain me ramène à la chanteuse, qui ne cesse de prodiguer aux échos les richesses d’une anthologie assez en rapport avec sa personne. C’est une grosse fille dont la face triviale accuse un état de santé des plus prospères ; ses yeux et son nez accidentent si peu son visage de pivoine, que les premiers ne sauraient même en louchant, constater l’existence du second. Ceci ne paraît point au reste influer sur son bonheur, si j’en juge par les accès d’hilarité qui, entre deux couplets, viennent à tout propos relever et découper en festons inégaux sa lèvre supérieure. En général je n’aime guère les éclats de rire, n’ayant jamais ressenti moi-même le besoin de rire aux éclats, que sous l’empire de certaines sensations de plaisir extrêmement désagréable, du genre de celles que l’on éprouve en se cognant le coude ou le genou contre l’angle d’un meuble. J’ai