Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/55

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Il n’y avait que la vache noire
Qui ne voulait pas danser.
Le loup la prit par l’oreille.
Gai ! la farira dondaine.
Ma commère, vous danserez.
Gai ! la farira dondé.


— « Oui, mais tout ça c’est des bêtises, continue-t-elle ; il est l’heure de partir, et v’là le temps qui se gâte ; allons vite, vite. » — Ici elle donne l’essor à une volée de noms propres qui font accourir les enfants éparpillés dans la prairie. Marianne se lève à son tour, et je puis enfin voir son visage. — Tu vas probablement me soupçonner de continuer l’antithèse, en opposant Marianne à la joyeuse commère, sa voisine ; mais, que m’importe, la vérité avant tout, — elle est ce qu’elle peut, — et je ne saurais rencontrer plus à propos cette citation, pour justifier, non-seulement le portrait que je vais tracer de Marianne, mais encore toutes ces pages, qu’un petit effort d’imagination rendrait assurément plus attrayantes. Marianne a le visage d’une pâleur à peine dorée ; ses yeux, — je m’empresse de le dire, car c’est là son titre le plus réel à l’attention, — ses yeux sont noirs, et leur grandeur exagérée fait songer à la façon étrange dont Homère a qualifié les yeux de Junon ; des sourcils veloutés, des cils épais et sombres les surmontent, les abritent de leurs franges et en tempèrent l’ardeur. Une nuance rosée apparaît vaguement sur ses pommettes qui sont peut-être un peu saillantes ; son nez, d’un galbe énergique, rappelle celui du portrait de Byron enfant ; sa bouche est singulièrement accusée aux angles,