Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/56

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et je ne saurais dire si elle doit à l’estompe d’un duvet bleuâtre ou bien au renflement de la joue cette particularité qui lui donne un caractère à la fois souffrant et voluptueux.

Comme tu le vois, si ce visage est d’une séduction contestable, il est au moins de ceux qui sont dignes de fixer l’attention, de ceux qui étonnent s’ils ne charment pas. Pour moi, sa première vue, même au grand soleil, m’étonne, me charme et me pénètre du plus tendre intérêt ; il est vrai que d’avance j’ai doté Marianne, — comme Silvio sa chanteuse inconnue, — d’une foule de perfections peut-être, hélas ! très-fantastiques.

Pourtant les préparatifs de départ s’accomplissent, on ferme les paniers, on relève les guirlandes et les bâtons ornés de bouquets, l’on se dispose à sortir par une tranchée ouverte sur le chemin, et bientôt la bande joyeuse et fleurie paraît à vingt pas, se dirigeant vers la chaussée de l’étang. Les enfants passent, la servante au rire désagréable les suit, puis vient une autre femme d’un âge mûr, et enfin Marianne.


V

Je viens, je te l’avoue, d’éprouver une sorte de déception. La physionomie générale de ma sirène ne réalise nullement les promesses de son visage élégiaque. Je ne demandais à sa tournure ni souplesse ni légèreté, mais seulement un peu de grâce modeste, langoureuse, ou, à