Page:Radiguet - Souvenirs, promenades et rêveries, 1856.djvu/58

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de cette dernière, dis, je t’en prie, comment c’est arrivé !

— Hélas ! cher bijou, personne ne l’a jamais su ; elle jouait, elle courait, puis elle a disparu ; on l’a appelée longtemps, et, comme elle ne répondait pas, on l’a cherchée, cherchée.... ; puis enfin on a vu quelque chose de blanc dans l’eau, tout près du bord, sous les ronces, et c’était Louisette.

— Comment qu’elle était ?

— Dam ! elle était pâle, pâle, pâle..... comme les bouquets de lait ; elle avait au front une tache violette et des déchirures aux mains : elle aura sans doute voulu s’accrocher aux ronces !

— Ma bonne, j’ai du chagrin !

— Du chagrin ! Pourquoi ? fait la servante.

— Pour Louisette, répond l’enfant.

— Dieu ! est-il bête, ce p’tit là ! Encore si c’était hier ! mais il y a longtemps ; et puis, en v’là t’y une qu’a eu d’la chance de s’avoir nayée le lendemain de sa première communion : c’est pour sûr un ange du paradis à c’t’heure !

— C’est égal, Marianne, j’ai du chagrin.

— Cher petit amour ! pauvre petit cœur ! Embrasse-moi ! embrasse-moi ! — Et Marianne, enlevant de terre le petit garçon, lui applique sur les joues de gros baisers retentissants. Oh ! que volontiers aussi je les aurais embrassés tous les deux. Oh ! ces baisers-là, puisse le bon Dieu les tenir en réserve et les lui faire rendre un jour par l’époux de son cœur !

Je suis du regard la petite société, qui déjà se perd à l’angle du moulin, au tournant de la route. Marianne,