Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v3.djvu/351

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peu-à-peu à l’envoi d’un très-petit navire à Caraque. Cette tyrannie expire ; & nous parlerons de ſa chûte, après que nous aurons ſuivi Colomb ſur le grand théâtre où ſon génie & ſon courage vont ſe développer.

Ce fut le 6 ſeptembre qu’il quitta Gomère où ſes trop frêles bâtimens avoient été radoubés & ſes vivres renouvelés ; qu’il abandonna les routes ſuivies par les navigateurs qui l’avoient précédé ; qu’il fît voile à l’Oueſt pour ſe jeter dans un océan inconnu.

Bientôt, ſes équipages épouvantés de l’immenſe étendue des mers qui les séparoient de leur patrie, commencèrent à s’effrayer. Ils murmuroient, & les plus intraitables des mutins proposèrent à pluſieurs repriſes de jeter l’auteur de leurs dangers dans les flots. Ses plus zélés partiſans même étoient ſans eſpoir ; & il ne pouvoit plus rien ſe promettre, ni de la sévérité, ni de la douceur. Si la terre ne paroit dans trois jours, je me livre à votre vengeance, dit alors l’amiral. Le diſcours étoit hardi, ſans être téméraire. Depuis quelque tems, il trouvoit le fond avec la ſonde ; & des indices qui trompent rarement, lui faiſoient juger qu’il n’étoit pas éloigné du but qu’il s’étoit proposé.