Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/88

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tant de sauce, se mit à pousser les hauts cris. Par bonheur, on ne fit que rire de cette maladresse, sans écouter le frère qui me promettait les plus rudes châtiments, tandis qu’Arrivabene, lentement et avec la plus grande précaution, lui frottait, essuyait, fourbissait le crâne tout en répétant du ton le plus sérieux :

— Acceptez ces ennuis, mon frère, en esprit de pénitence.

Indifférent aux menaces du moine, je suivais les allées et venues de Guido qui avait l’air de ne pas me voir. À maintes reprises, j’essayai vainement de lui parler. Mais, lorsque tout le monde eut quitté la salle du dîner, au moment où Guido était sur le point de sortir avec les domestiques, je m’agenouillai devant lui et, embrassant ses genoux, pour le forcer à m’écouter, je le suppliai de m’accorder son pardon.

— Eh oui ! je te pardonne, fit-il.

Ce fut tout. Il paraissait un peu ennuyé ; et cette sécheresse me fut plus cruelle que sa haine : j’éclatai en sanglots.

Nous nous réconciliâmes le lendemain complètement, sans que Guido me montrât une plus vive tendresse.

Je ne pouvais me séparer de lui. Je cherchais à l’accompagner dans ses courses, à partager son travail ou ses plaisirs. Quand il se trouvait avec moi, je ne le quittais pas des yeux. Sa vue me causait une ardeur inquiète et un étrange appétit de jouissance. Près de lui, j’étais heureuse et toutefois je ressentais, au milieu de ma joie, je ne sais quelle souffrance inconnue. J’avais envie de lui faire mal, à cause de ce visage qui m’attirait comme l’aimant et me laissait inassouvie.

Une année, des mois s’écoulèrent sans rien changer à notre existence. De plus en plus je sentais croître mon amour et diminuer le sien.