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POÈTES MODERNES DE LA FRANCE.

cipales scènes, a-t-il physionomie de drame plus que de comédie ; on perçoit çà et là une teinte de Kotzebüe ; le dénouement tourne visiblement au tragique. Malgré le rôle plaisant de Bonnard, qui fait diversion, le comique n’y saurait dominer. Les mœurs et les travers du temps n’y sont non plus représentés, pas même dans le personnage terne et effacé du duc d’Elmar, ce neveu de ministre qui a des emplois tout prêts pour les maris qu’il déshonore. Mais, bien que M. Casimir Delavigne se fût attaché à peindre les faiblesses du cœur au lieu des ridicules de l’esprit, cependant la verve même des détails, la grace de quelques scènes, l’élégance soutenue de la versification, la moralité finale, réalisaient suffisamment tout un côté agréable et instructif de la comédie.

Ce fut le succès de l’École des Vieillards, venant après tant d’autres, qui servit à M. Delavigne d’introducteur à l’Académie française. Déjà deux fois il avait tenté d’en franchir le seuil, mais les élégies nationales et les tragédies classiques avaient dû céder le pas tour à tour aux homélies de M. Frayssinous et aux mandemens de M. de Quélen. Cette fois, la presque unanimité des suffrages voulut bien consacrer sans réserve les droits de M. Casimir Delavigne au fauteuil de M. le comte Ferrand. Le discours de réception, auquel répondit M. Auger (7 juillet 1825), n’offrit littérairement rien de remarquable. Après l’éloge obligé et banal de son prédécesseur, le récipiendaire y disserta sur ce thème : de l’influence de la conscience en littérature, dans un style froid et décoloré, et avec une vulgarité de pensées qui démontrèrent sans réplique l’impuissance absolue de M. Delavigne à se traduire en prose, alors que l’esprit, n’ayant plus pour appui les grandes échasses du vers, est tenu de marcher seul et libre dans un sentier ouvert de toutes parts. Ce qui dut paraître singulier, même assez piquant, c’est que, dans ce discours, M. Delavigne vantait fort l’énergique spontanéité de l’ame chez l’écrivain, lui cependant si timide, surtout depuis lors, lui courtisan si naïf et presque involontaire de l’opinion publique.

Jusqu’à l’heure de son entrée à l’Académie, M. Casimir Delavigne avait atteint un niveau de gloire de jour en jour supérieur ; les circonstances littéraires, d’ailleurs, autant que politiques, l’avaient servi à point. Entre les classiques purs, déjà tombés en discrédit, et les romantiques qui n’avaient point encore abordé le théâtre, si ce n’est par quelques enfans perdus dont l’arène était jonchée, M. Casimir Delavigne avait le plus fidèlement exprimé un présent litté-