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extérieur. Ma bonne hôtesse m’a fidèlement soigné, et c’est par elle que j’ai appris dans quel état je m’étais trouvé pendant neuf jours. Je vais mieux enfin et je vais voyager, où ? je n’en sais rien encore.

Quand j’ai été capable de passer en revue les papiers accumulés sur ma table pendant mes jours d’impuissance, j’ai trouvé la carte de mon oncle le ministre, venu en personne pour prendre de mes nouvelles. Le digne oncle a entendu dire que j’étais devenu inillionnaire. Je trouvai de plus un tas de lettres d’Overberg et de van Beek que je n’eus pas le courage de lire ; une pourtant, qui portait sur l’enveloppe le mot pressée, fut l’objet d’une exception. Elle m’annonçait la mort de mon grand-oncle von Zwenken et m’invitait à assister à ses funérailles. Il y avait trois semaines que cette lettre m’était parvenue ! Qu’était devenue Frances ?

Sans doute elle était toujours mal disposée à mon égard ; elle ne savait rien de ma maladie, puisqu’elle me faisait inviter aux funérailles de son grand-père. Que devait-elle penser de mon silence ? quels ennuis avait-elle dû essuyer de la part des hommes de loi ? Je voulais demander à mon médecin la liberté de partir immédiatement pour Z…, quand j’entendis qu’on montait chez moi, qu’on écartait mon hôtesse, gardienne sévère de ma tranquillité, et je vis entrer sans aucune cérémonie dans ma chambre, je vous le donne en mille, Rolf en personne, le capitaine que j’avais fini par aimer presque autant que je le détestais les premiers jours.

— Mon général est mort, me dit-il les larmes aux yeux, mort dans mes bras, Frances n’était pas là…

— Elle n’est pourtant pas malade ? interrompis-je brusquement.

— Pas du tout, elle se porte à merveille ; mais du reste… elle m’a donné mon congé.

— Que voulez-vous dire ?

— Oh ! ce n’est nullement par méchanceté ; c’est qu’elle-même ne compte pas rester au château. Elle loge provisoirement chez les fermiers et ne veut pas dire où elle compte se rendre.

— Mais contez-moi donc ce qui est arrivé.

— Voilà. Le général n’a pas osé écrire malgré elle à M. Overberg dans le sens que vous désiriez. Il est resté dans le vague. Comme on ne recevait aucune lettre de vous, ces gratte-papier ont perdu patience, et M. Overberg, poussé, je pense, par un autre pékin d’Utrecht, s’est adressé à M"^ Mordaunt pour savoir si, oui ou non, elle était engagée avec vous. Vous devinez sa réponse, courte et sèche, mais sans un mot de blâme à votre adresse. Je sais qu’elle se fait de vifs reproches ; cela date même du jour de votre départ.

— Après la réception de mon paqutt ?

— Elle n’a rien reçu de votre part.

— C’est très surprenant.