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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/139

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dans un cadre de l’époque, parmi des meubles « empruntés » aux châteaux de la région. On ne saurait croire, parait-il, à quel point les célèbres pastels gagnaient à cette disposition si judicieuse : ce fut une révélation !... En somme, si l’on en croit le rédacteur du livret, il fallait, pour comprendre La Tour, quo l’Allemagne s’en mêlât. Qui n’a pas vu La Tour dans les salons du Pauvre diable ne pouvait se douter de son véritable talent. Il est fort heureux pour La Tour que les Allemands aient passé par là. Déjà le lieutenant Erhard avait expliqué son génie « avec plus de finesse et de clarté que n’avait su le faire nul érudit français. » Il restait à le présenter au grand public et c’est ce que fit avec tant de succès le lieutenant Keller.

Généreuse Allemagne ! Elle veut bien nous apprendre ce que c’est que l’art français ; à peine un timide reproche sur notre ingratitude... Ah ! si nous la laissions faire ! Quel pays que la France, organisée par l’Allemagne ! L’exposition du Pauvre diable en était un échantillon : c’était le modèle en miniature de ce qu’elle saurait faire, si nous avions un peu le sens de notre intérêt...

Enfin, tout ce maquignonnage n’est plus qu’un souvenir. Aujourd’hui, les pastels de La Tour sont au Louvre. Ils y sont provisoirement, mais enfin ils y sont chez eux, puisqu’on sait que c’est là que la plupart ont été faits. L’Ancien régime logeait ses artistes au Louvre. La vieille Académie y tenait ses Salons. Là, les modèles de La Tour doivent se sentir à l’aise ; ils retrouvent entre ces murs vénérables l’écho des exclamations, des enthousiasmes de Diderot. Ils sont presque à la même place où les croqua le crayon léger de Saint-Aubin, à deux pas de la salle admirable qui contient, auprès des Chardin, des Perronneau, des Rosalba, les portraits royaux de Marie Leczinska, de la Dauphine et de Mme de Pompadour.

Profitons donc de cette occasion unique, qui nous montre à la fois plus de cent pastels de La Tour ; peut-être se souviendra-t-on encore, à si peu d’années d’intervalle, de quelques autres chefs-d’œuvre de l’artiste, admirés à la vente Doucet, ou bien aux Cent Pastels. On se souviendra en même temps des excellents travaux de Maurice Tourneux, d’Elie Fleury, d’Henry Lapauze, sans oublier ceux de leurs devanciers, les Chiapfleury, les Charles Desmaze et surtout les Goncourt. C’en sera peut-être assez pour convaincre le lieutenant Erhard que