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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/167

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Son œuvre nous est encore imparfaitement connue. Je ne puis entrer dans le détail des mille questions qu’elle soulève. Il n’en existe nulle part un catalogue complet. La belle publication de M. Henry Lapauze ne comporte que la reproduction des œuvres du musée de Saint-Quentin. On n’a jamais songé à réunir et à classer tout ce qui subsiste d’épars chez les particuliers, tout ce qui demeure d’inédit dans vingt demeures de province. L’œuvre capitale de la Tour, le Président de Rieux, n’avait encore, il y a deux mois, été vue par aucun des biographes du maître, ni gravée, ni photographiée.

Songez qu’il en va ainsi pour l’œuvre d’un portraitiste devant lequel a posé tout ce qui compte en France au XVIIIe siècle, pour l’œuvre du premier de nos physionomistes, pour une œuvre ; d’un intérêt (historique sans égal. Songez à quelles menaces de destruction est exposé chaque jour, parmi les tremblements qui agitent le monde, tout ce qui nous conserve la mémoire du passé.

Saint-Quentin sur sa noble colline n’est plus qu’un amas de décombres qui se mirent dans la Somme et que domine la carcasse brûlée de sa cathédrale. Les pastels de La Tour, pour cette fois, sont sauvés. Bientôt ils rentreront chez eux, dans la ville reconstruite, et ce jour-là il y aura fête dans la cité renaissante, comme le jour où le peuple reçut son plus fameux enfant, son bienfaiteur revenant au foyer pour mourir, au son du canon et des cloches. La Tour aura encore bien mérité de sa patrie, en l’aidant aujourd’hui à sortir de ses ruines. Mais faudra-t-il attendre une nouvelle catastrophe pour entreprendre ce qui devrait être achevé depuis longtemps, cet inventaire des richesses artistiques de la France, ces Monumenta Galliac qui représenteraient ce que notre pays a fait depuis dix siècles pour la beauté du monde ? On pourrait commencer par un catalogue de La Tour, qui cette fois ne serait plus l’ouvrage d’un Allemande

LOUIS GILLET.