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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/213

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le bruit. En tout cas, et d’abord, elle ne réside pas dans les idées ou les thèmes. Ceux-ci nous ont semblé le plus souvent dépourvus d’invention et de caractère, ou du moins de tout autre caractère que la violence et la dureté.

Pas plus que dans l’ordre mélodique, nous ne trouvons ici la puissance dans le domaine orchestral. Oh ! la « polyphonie, » la « polyphonie ! » En voilà un mot dont les musiciens de notre époque abusent terriblement et par lequel ils se flattent peut être de nous abuser. La polyphonie, telle du moins qu’ils l’entendent et nous la font entendre, c’est le nombre, toujours accru, des voix ou des parties. Mais le nombre, sans l’ordre, sans le choix, n’est rien, ne produit rien qu’une vaine accumulation et qu’un amas stérile.

Leur polyphonie, c’est une foule, une cohue bruyante ; c’est bien plus et bien pis que des voix nombreuses : c’est toutes les voix, qui « donnent » et qui tonnent ensemble. Désormais elles ne concordent plus, ni ne concourent, ni ne conversent. Parlant toutes en même temps, elles ne sauraient se répondre. Et puis aucune d’entre elles ne se distingue des autres. Pas un instrument ici ne garde sa valeur particulière et son accent personnel. Tout se mêle et se confond. Le goût est passé des proportions et des rapports, du partage, du discernement et de l’équilibre. « Polyphonie, polyphonie ! » Encore une fois, c’est leur « tarte à la crème. » Mais croyez-nous : de la polyphonie véritable, de celle qui consiste dans l’ordonnance et l’économie des éléments et des forces sonores, dans l’exposition et le développement des idées musicales que peuvent échanger, opposer, combiner les a parties » ou les voix diverses, de cette polyphonie, ou de cette symphonie, il y en a cent fois moins dans l’incessant, assommant tutti de leurs orchestres innombrables, que dans un quatuor de Haydn ou dans un motet, à quatre parties aussi, de Palestrina.

« La danse n’est pas ce que j’aime, » ou du moins ce que j’aime le mieux. Elle est pourtant aimable et la musique l’aima, l’aimera toujours, comme une sœur. Nous savons, il est vrai, la violence et, si vous voulez, l’horreur tragique de ce sujet de Salomé. Tout de même, la danse et la musique de danse demeurent ce qu’elles sont l’une et l’autre, et l’on s’étonne, on regrette que la douceur et l’élégance, la souplesse, la légèreté, le charme enfin, soit totalement exclu d’une musique destinée après tout, si ce n’est avant tout, à l’accompagnement, à l’interprétation, que dis-je, à l’apothéose des mouvements et des attitudes, des grâces et des beautés du corps féminin

En somme, il convient de ranger la partition de M. Florent