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Schmitt parmi ces œuvres surabondantes, surchargées, qui ne manquent pas aujourd’hui. Elles nous font parfois éprouver le sentiment, qui nous humilie et nous afflige un peu, de ne plus rien comprendre à la musique et de n’en plus rien aimer.

D’autres, heureusement, en raniment en nous et l’intelligence et l’amour. Les œuvres de M. Gabriel Pierné sont de celles-là.

L’auteur de l’An Mil, de la Croisade des Enfants et de Saint-François d’Assise n’a pas seulement, comme certain personnage d’Alphonse Daudet, une « jolie manière de dire les choses. » Sa dernière composition, un quintette pour piano et instruments à cordes, vient de montrer que la manière forte, et vraiment belle, n’est pas non plus étrangère à l’excellent musicien.

L’audition de son quintette nous a remis, pour la première fois après les quatre années terribles, en présence de cette forme pure et grave de notre art, la musique de chambre, et comme en contact avec elle. Nous y avons pris un plaisir extrême. Médiocre était le local, mais insignes les cinq interprètes, dont l’auteur lui-même, au piano. Et nous reconnûmes, une fois de plus, que l’exécution d’une œuvre instrumentale est généralement très supérieure à celle d’une œuvre lyrique, théâtrale surtout. Il pourrait bien être vrai, de la même vérité générale, et qui souffre des exceptions, que les instrumentistes, non les chanteurs, sont les meilleurs musiciens d’aujourd’hui, et que les maîtres, anciens ou modernes, trouvent en eux leurs plus intelligents et leurs plus fidèles, en même temps que leurs plus modestes serviteurs.

Un quintette, cela n’est pas facile à raconter. Quand vous saurez qu’il se divise en trois parties : « Moderato mollo tranquillo. — Sur un rythme de zortzico. — Allegro vivo e agitato, » en serez-vous plus avancés ? Apprenez au moins que l’originalité de la première partie consiste dans la « modération » et la « tranquillité » même, les œuvres de ce genre ayant coutume de commencer par un véritable allegro. Mais la lenteur, — relative, — et la sérénité du tempo n’en diminue en rien la puissance. On dirait, au seuil de l’édifice sonore, d’un vaste et noble portique. Aéré, spacieux, on y respire et l’on y chemine à l’aise. Le goût classique en a réglé l’ordonnance et distribué les plans. « Ambulant in lege Domini. » Comprenons, aimons ce mot de l’Écriture. Il définit la vie la meilleure, celle de l’esprit aussi bien que celle de l’âme. Il énonce la loi souveraine, que tous les maîtres, comme le maître par excellence, ont édictée : loi sous laquelle ou dans laquelle on marche, mais d’un pas libre, et qui nous environne, nous enveloppe,